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Syndicat général de l'Éducation nationale et de la Recherche publique

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  • 18 novembre 2010

    Quelques réflexions autour de l’évaluation

    Pour ou contre les notes ?

    Un débat très français

    Vingt personnalités ont publié jeudi dans le Nouvel Observateur une tribune pour la suppression des notes à l’école élémentaire. C’est à l’initiative de l’Association de la fondation étudiante pour la ville (Afev) qui a également lancé une pétition sur le sujet . En tout cas, si l’Afev voulait faire du bruit avec cette pétition, c’est réussi. Car, cette proposition suscite de nombreux articles et des réactions qui font de ce sujet un débat dont la France a le secret . C’est-à-dire malheureusement souvent un débat mal posé, reposant sur des approximations et des caricatures et où les 62 millions de “spécialistes de l’école” que sont les Français expriment surtout une vision nostalgique et biaisée de l’École. Il suffit de lire les commentaires publiés sous les articles consacrés à ce sujet sur Internet.

    Cela dit, grâce à ce débat, il est bon de rappeler que l’évaluation ne se résume pas à la notation et qu’il y a matière à un vrai débat pédagogique (et donc politique). Si on fait un tout petit peu d’histoire, il faut rappeler que la note chiffrée a été instituée par un arrêté du 5 juin 1890. Ce qui signifie que durant une bonne partie du 19eme siècle, il n’y avait pas de notes et notamment au baccalauréat (le jury, après un oral, décidait si vous étiez reçu avec un système de boules blanches, rouges et noires). Si on a institué cette note chiffrée, c’était essentiellement dans la perspective des concours (grandes écoles, concours administratifs, ...). Car la note chiffrée permet le classement et la sélection si chère à la méritocratie et l’élitisme républicain. Et c’est cette dimension de l’évaluation fondée sur une logique de la sélection et du classement qui imprime durablement notre culture française.

    Cette histoire de suppression de notes n’est pas nouvelle. Dans un colloque qui se tenait à Amiens du 15 au 17 mars 1968 (eh oui, avant Mai...), une bande de gauchistes (des inspecteurs généraux, des recteurs,...) avec à leur tête un dangereux leader pédagogiste appelé Alain Peyrefitte (ministre de l’éducation nationale à ce moment là) le proposait déjà. Dans la déclaration finale du 17 mars 1968, les membres du colloque, " profondément troublés par l’inadaptation d’un système éducatif hérité du XIX°siècle " s’accordent sur " l’urgence d’une rénovation éducative aussi bien que pédagogique qui ne saurait être différée sans risques de sérieuses tensions psychologiques, économiques et sociales ".Et cette rénovation passe notamment par l’abandon de la note. Car disent-ils « les études docimologiques [étude statistique de la notation -NDR] dont l’origine est antérieure à 1930 et qui se sont multipliés dans les 20 dernières années ne laissent aucun doute sur le caractère illusoire d’un tel raffinement dans la précision de la note et du classement obtenu » Incidemment, mais ce n’est pas notre sujet (quoique...), ces dangereux excités recommandent tout particulièrement "l’institution, auprès de chaque Académie, d’un centre Universitaire de Formation et de Recherche en éducation, et deux années de formation professionnelle pour tous les futurs enseignants ".

    La circulaire du 6 janvier 1969 signée Edgar Faure, alors Ministre de l’Education Nationale (qu’on imagine mal pourtant en pédago chevelu...) indique : « La notation chiffrée de 0 à 20 peut être abandonnée sans regret. Une échelle convenue d’appréciation, libérée d’une minutie excessive, sera moins prétentieuse. En indiquant la zone dans laquelle l’élève se situe, on cerne déjà la réalité d’assez près, on évite de multiplier systématiquement des différences qui ne seraient pas confirmées par d’autres correcteurs, ni par le même correcteur à une autre époque. [...] Il sera bien entendu utile à l’élève que cette appréciation globale s’accompagne d’annotations plus détaillées, concernant par exemple, l’orthographe, l’ordre, le vocabulaire, la syntaxe, la précision, l’habileté, les facultés de raisonnement, l’invention, le sens artistique, etc. . Malheureusement, le génie français est fait en grande partie de résistance au changement et de force d’inertie. Le 9 juillet 1971 les notes sur 20 sont à nouveau prônées dans les classes qui comportent un examen.

    Depuis, la réflexion sur l’évaluation a progressé notamment avec l’instauration du socle commun qui demande de travailler par compétences (et pas seulement d’évaluer par...) et par les comparaisons internationales qui montrent que notre système très sélectif produit de l’échec scolaire et reproduit les inégalités. A côté d’une évaluation fondée sur une logique de sélection (et qui garde sa nécessité dans certains niveaux de classe) se met en place une évaluation qui soit réellement au service des apprentissages. Une évaluation destinée à permettre à l’élève de se situer avant tout par rapport à lui même et aux objectifs fixés plus que par rapport aux autres. Et cela ne passe pas forcément par une note chiffrée...

    La sélection viendra bien assez tôt...


    (Merci à Philippe Watrelot)